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Natural Resource Governance around the World

Le Cameroun et les enjeux de développement liés aux ressources naturelles

Summary

Cette fiche introductive présente à l’intention des lecteurs qui ne connaissent pas le Cameroun quelques traits généraux de la situation économique et sociale de ce pays. La diversité géographique et culturelle du Cameroun lui ont valu le surnom d’ « Afrique en miniature ». Sa situation économique et sociale est aussi celle de nombreux autres pays du continent : un exode rural massif, une population dont le doublement est attendu d’ici à 2050, des systèmes de santé, d’éducation ou encore de justice insuffisamment dotés pour répondre aux besoins de tous, une économie largement fondée sur l’exportation de ressources naturelles peu ou pas transformées. Le pays doit importer une grande partie de ses besoins en produits manufacturés, en produits alimentaires et en carburants, alors que la terre n’est pas une ressource rare et qu’il dispose de pétrole brut qu’il exporte par ailleurs. Sous l’influence des institutions financières internationales, le pays s’est ouvert largement aux entreprises étrangères intéressées par ses ressources naturelles. Les forêts font figure de levier stratégique pour le développement et attisent de nombreuses convoitises.

Une grande diversité géographique et culturelle

Situé à l’ouest de l’Afrique Centrale, le Cameroun a une superficie de 475.000 km². Son territoire s’étire des côtes du golfe de Guinée, où se trouvent les ports de Douala et Kribi, jusqu’au rives du lac Tchad. Cet étalement sur plus de 1 200 km, entre la zone soudano-sahélienne et la zone équatoriale lui confère une grande diversité de climats et d’écosystèmes. Trois régions géographiques principales peuvent être identifiées :

  • Le sud forestier caractérisé par une végétation dense et un vaste réseau hydrographique, un climat chaud et des pluies abondantes. On y cultive notamment le cacao, le palmier à huile, l’hévéa et le tabac.

  • Les hauts plateaux de l’ouest forment un des plus hauts massifs d’Afrique d’une altitude moyenne de 1 100m. Les terres volcaniques se prêtent à l’agriculture maraîchère et aux plantations de caféiers. Très fortement peuplée, c’est une des premières zones d’émigration du pays.

  • Le nord soudano-sahélien aux savanes et steppes caractéristiques du climat chaud et sec sahélien. On y pratique l’élevage bovin, on y cultive le coton, l’oignon, le mil, la pomme de terre, l’igname et l’arachide1.

La population du Cameroun est très diverse. Il existe plus de 240 groupes éthno-linguistiques répartis en trois grands ensembles :

  • Bantous : Atons, Bafias, Bakundus, Bassas, Bétis, Boulous, Doualas, Fangs, Makas, … ;

  • Semi-Bantous : Bamiléké, Bamoun, Gbaya, Tikar… et

  • Soudanais : Arabes-Choas, Foulbé, Mafa, Massa, Moundang, Mousgoum, Toupouri, …

Dans les zones forestières (régions du Centre, du Sud et de l’Est), vivent les descendants des premiers occupants du bassin du Congo, les populations « Pygmées »2. Estimées à 80.000 personnes, elles représentent 0,4% de la population totale du pays. Elles ont souffert de multiples processus d’exclusion depuis l’époque coloniale et se trouvent dans une situation de dépendance croissante vis-à-vis de leurs voisins Bantous3. Leurs patrimoines culturels et leurs traditions sont en voie de disparition (Cf la fiche sur les Bakas).

Carte du Cameroun (Source : carte en libre disposition sur le site www.carte-du-monde.net/)

Les deux langues officielles du Cameroun sont l’anglais, parlé en particulier dans deux régions de l’ouest du pays frontalières avec le Nigeria, et le français. Des affrontements entre les forces gouvernementales camerounaises et des factions sécessionnistes ont éclaté à plusieurs reprises dans les années 90 dans les territoires anglophones, en lien avec le contentieux territorial qui oppose, depuis les indépendances, le Cameroun et le Nigeria.

Une population très jeune et de plus en plus urbaine

Le Cameroun compte 19,7 millions d’habitants (PNUD, 2010) dont près de la moitié (45%) a moins de 15 ans et plus des deux-tiers (65%) moins de 25 ans (UNESCO).

La densité démographique moyenne est de 37,5 habitants par km². Elle varie très fortement suivant les régions. Alors que le taux annuel de croissance de la population a baissé durant la dernière décennie, passant de 2,8% (niveau sur la période 1987-2005) à un peu plus de 2% en 2010 (UNESCO), le taux de mortalité reste élevé, notamment du fait de l’incidence du paludisme et du SIDA.

42% de la population vit en milieu rural. Les migrations vers les villes sont importantes, surtout vers Yaoundé, la capitale administrative, et vers Douala, la capitale économique. Ces villes, dont la population a cru très rapidement à partir de la fin des années 1970, connaissent un développement anarchique et une insalubrité chronique.

Dans les zones rurales, la croissance démographique demeure rapide. Elle se traduit souvent par l’avancée des « fronts pionniers », des défriches nécessaires à la mise en cultures de nouvelles surfaces de terres, aux dépens du couvert forestier.

Les démographes prédisent un doublement de la population totale du pays d’ici à 2050. Mais si l’augmentation des besoins alimentaires qui en résulte contribue à mettre en danger les systèmes forestiers, elle est loin d’être le seul facteur impliqué dans la déforestation.

Vue de Yaoundé. Photo M.Merlet

Une histoire lourdement marquée par la colonisation

1- De l’Allemagne à la France et la Grande Bretagne

Le territoire du Cameroun a été colonisé par l’Allemagne en 1884. Après la défaite de celle-ci à l’issue de la première guerre mondiale, deux nouvelles puissances occupantes, la France et la Grande Bretagne, se partagent l’administration du territoire dans le cadre de mandats de la Société des Nations (SDN), l’ancêtre de l’actuelle ONU. Le statut alors attribué au Cameroun (territoire « sous mandat » et ensuite « sous tutelle ») est une originalité dans l’empire colonial français. Il ouvre un espace aux revendications indépendantistes que la France redoute de voir se répandre. Les mouvements de libération camerounais, en particulier l’Union des Populations du Cameroun (UPC), vont alors subir de l’armée française une répression sanglante jusqu’à l’accession du pays à l’indépendance, en 1960. Cette violence a été jusqu’à récemment largement passée sous silence, de même que celle exercée contre les mouvements qui, aussitôt après l’indépendance, ont lutté contre l’instauration d’un régime de parti unique. En 1982, Paul Biya accède à la présidence du Cameroun. A partir de 1990, l’officialisation de nouveaux partis devient possible, mais selon des modalités auxquelles certains groupes d’opposition refuseront de se conformer voyant en elles l’avènement d’un « multipartisme sous contrôle ».

L’influence dominante de la France sur la politique et l’économie du Cameroun a pu se maintenir après l’indépendance. La France est encore en 2013 le premier investisseur étranger (hors le projet de construction de l’oléoduc Tchad-Cameroun, voir l’encadré à la fin de cette fiche), en occupant principalement les secteurs pétrolier, agricole et forestier1. Mais depuis quelques années, le Cameroun diversifie ses relations économiques : la Chine prend une place croissante dans ses relations commerciales. C’est la deuxième destination de ses produits forestiers après l’Europe et la première de ses ressources minières. C’est aussi la deuxième source d’importation de biens manufacturés juste après la France.

2- Une crise laissée aux douloureux « traitements » des institutions financières internationales

Considéré jusqu’au milieu des années 1980 comme un des pays d’Afrique subsaharienne offrant la plus grande stabilité économique, le Cameroun a durement subi les effets de la chute des cours mondiaux des matières premières à partir de 1985, en particulier du pétrole, du cacao et du café. Cette crise s’est traduite par une diminution des recettes fiscales qui a compromis la capacité de l’État à rembourser ses emprunts. Prétendant l’aider à rétablir sa situation, ses prêteurs de dernier recours, le Fonds Monétaire International et a Banque mondiale, lui ont imposé l’adoption de politiques d’ « ajustement structurel »5, avec une forte réduction des dépenses publiques dans des secteurs essentiels pour le développement du pays : l’éducation, la santé, l’agriculture, les infrastructures… La libéralisation des prix, préconisée dans le cadre de ce « traitement », a provoqué une hausse des prix des produits de première nécessité. Avec la dévaluation du franc CFA, en 1994, cela a provoqué une forte chute des revenus réels de la majorité des camerounais.

Une économie basée sur l’exportation de ressources naturelles peu ou pas transformées

Le Cameroun est un pays riche en ressources naturelles. Leur exploitation et leur commerce étaient au cœur de l’économie coloniale. Aujourd’hui le cacao, la banane plantain, les minerais et le bois, font toujours l’essentiel du PIB du pays avec désormais, en tête de liste, le pétrole brut qui est devenu le premier produit exporté en valeur. Ces exportations sont les principales sources de devises étrangères et de recettes fiscales.

Cependant, l’essentiel de la valeur qui est « ajoutée » à ces ressources, au cours de leur transformation industrielle et de leur commercialisation sur des marchés de détail, l’est hors du pays. Elle reste le plus souvent aux mains d’entreprises transnationales. Si cette situation n’empêche pas le pays de faire figure d’économie puissante dans la sous-région6, elle permet de comprendre pourquoi le Cameroun se situe dans le bas du classement des pays selon l’Indice de Développement Humain des Nations Unies.

1- Un secteur agricole dual

Le secteur agricole occupe encore aujourd’hui 70% de la population active du Cameroun (CIA, 2010) et génère environ 30%7 du PIB du pays. Les exportations de produits agricoles représentent en valeur monétaire environ 50 % des exportations hors produits pétroliers du pays, et 30 % tous produits confondus. Ces exportations agricoles jouent un rôle important au sein de la sous-région, mais le pays est surtout l’un des principaux producteurs mondiaux de cacao, qu’il exporte quasi intégralement en Europe.

La production agricole du Cameroun ne couvre pas l’intégralité des besoins alimentaires de la population. Les importations de céréales ont plus que doublé au cours des vingts dernières années. Le blé et le riz, principalement, se substituent aux céréales traditionnelles, le mil et le sorgho, pour une part non négligeable de la consommation des Camerounais8. Les autres cultures vivrières sont la banane plantain, le maïs et divers tubercules.

La production agricole est essentiellement assurée par des exploitations de petite taille organisées autour de groupes familiaux. Dans les zones forestières, les cultures de rente (cacao, café, coton, et banane) pratiquées à côté des cultures vivrières constituent la source principale de revenu pour les producteurs. Le cacao est la première exportation (en valeur), et la banane plantain la première production (en valeur). Dans la zone sahélienne, l’élevage contribue fortement à couvrir les besoins alimentaires et mobilise environ 30% de la population rurale totale.

Entre 1965 et 1985, la production de cacao et de café a été soutenue par l’État, dont les recettes fiscales profitaient des prix élevés des matières premières. Ceux-ci se sont ensuite effondrés et la situation économique du pays s’est fortement dégradée. L’application du dogme néolibéral a alors conduit à l’abandon de la plupart des interventions de l’État dans ce secteur9. Le remède a provoqué la faillite d’un très grand nombre de petits producteurs brutalement soumis à la concurrence de produits substituables aux productions vivrières locales.

L’administration coloniale, et ensuite le gouvernement du Cameroun, ont décidé d’asseoir le développement du secteur agricole du pays sur la constitution de grandes plantations agricoles, principalement pour des productions destinées à l’exportation (cacao, café, banane, caoutchouc, palmier à huile). Cela s’est fait en dépossédant les communautés Bantous de leurs terres et en repoussant les populations autochtones en dehors des forêts où elles vivaient, qui ont été abattues pour faire place aux plantations. L’agriculture vivrière pratiquée par les populations locales, en grande partie basée sur des systèmes de production agro-forestiers, a été bouleversée par la mise en place de systèmes agricoles basés sur la production de cultures de rente.

Les politiques néolibérales des années 1980 y ont aussi contribué, en incitant à la conversion directe des terres forestières en plantations agro-industrielles.

Ce modèle développement basé sur l’agriculture à grande échelle, continue d’être encore aujourd’hui le choix privilégié par le gouvernement camerounais. La stratégie de développement agricole promue depuis 2005 par l’État du Cameroun privilégie un modèle d’agriculture que l’on peut qualifier d’extensif : utilisation de grandes surfaces agricoles pour des monocultures pour l’exportation, principalement l’hévéa et le palmier à huile, mais aussi pour des cultures destinées à l’alimentation (riz)10. L’objectif est d’augmenter de 50% la production agricole du Cameroun pour la période 2005-2015, avec 25% de terres supplémentaires mises en culture. Cette stratégie répond seulement en partie à la hausse de la demande nationale de produits alimentaires. Elle vise principalement à profiter de la demande internationale croissante en agrocarburants. Le gouvernement et les administrations locales ont promu l’accaparement de grandes surfaces des terres par des capitaux étrangers; les conséquences de cette politique sont désastreuses, aussi bien sur le couvert forestier que sur le maintien de l’agriculture paysanne. Dans un pays où 85% de la population active est employée dans le secteur agricole, la dépossession des terres occupées de façon coutumière expose les petits producteurs familiaux qui y travaillaient et pouvaient continuer à s’y développer à un risque majeur de paupérisation, pouvant aller qu’à la disparition massive de leurs unités de production.

2- Le secteur forestier, levier désigné de développement économique

L’exploitation des forêts constitue une des orientations stratégiques préconisées par les institutions financières internationales pour rétablir l’économie du pays affectée par la crise des années 1980. La loi forestière de 1994, votée dans le sillage des réformes d’ajustement structurel, se fonde sur un zonage qui définit les utilisations possibles pour les différents espaces forestiers. 34% d’entre eux sont dédiés à la production de bois11.

La politique du secteur forestier privilégie le développement d’une exploitation industrielle des forêts principalement tournée vers l’exportation de matière première pas ou très peu transformée. Le bois est, en valeur, la première des ressources forestières commercialisées. Les activités d’exploitation forestière et de transformation dûment enregistrées contribuent aujourd’hui à 1,9% du PIB du Cameroun (FAO, 2011). Mais 72% de la valeur ajoutée générée par ces activités est le fait de la production primaire (foresterie et exploitation forestière), bien que des mesures aient essayé de restreindre l’exportation des grumes (terme avec lequel on désigne les troncs d’arbres) pour favoriser le développement de leur transformation dans le pays. Le bois brut ou peu transformé (planches, plaquages contre-plaquages) est pour l’essentiel exporté. Il constitue en 2010 la troisième source de devises étrangères du pays après le pétrole et le cacao12. Le secteur est pourtant déjà une source majeure d’emploi. Dans le sud du Cameroun, il emploie près de 60% de la population active.13

Les exploitations à petite échelle, qui visent la satisfaction des besoins des habitants et sont liées à des filières de transformation locales, ont été peu prises en compte par la réforme de la loi forestière. Elles représentent pourtant une part non négligeable du PIB du secteur et connaissent une réelle expansion. La production de bois par sciage artisanal déclarée est passée de 360.000 m³ en 2009 à 715.000 m³ l’année suivante14. Largement informelle, cette activité est en réalité encore beaucoup plus importante : la production réelle totale a été estimée à 4,3 millions de mètres cubes par an. Elle emploie environ 4.000 personnes en ville et 40.000 en milieu rural15. Bien qu’elle concerne souvent les arbres situés dans des zones habitées ou en bordure de route, elle a un impact conséquent sur le couvert forestier. Son impact négatif sur l’environnement est à mettre en relation avec la faiblesse des moyens dont disposent les administrations chargées du contrôle de l’application des règles concernant l’utilisation des ressources naturelles.

3- L’essor du secteur minier et la politique de développement de grandes infrastructures

Le Cameroun dispose, en plus de considérables réserves de pétrole, d’importants gisements de bauxite, cobalt, fer, or, nickel et uranium. Ces ressources n’ont pas encore été beaucoup exploitées à grande échelle du fait du manque d’infrastructures. Depuis 2006, le secteur minier est l’objet d’un intérêt croissant et le gouvernement camerounais a adopté des mesures incitatives pour attirer les investisseurs étrangers (réduction des impôts et projets d’infrastructures). En 2010 quatre-vingt-sept permis d’exploration16 et quatre permis d’exploitation minière17 avaient été octroyés, principalement à des entreprises à capitaux étrangers.

Une des problématiques mises en avant par certaines organisations de la société civile camerounaise est le manque d’harmonisation entre les différentes textes normatifs, en particulier des secteurs foncier, forestier et minier et l’absence de coordination entre les administrations correspondantes. Ainsi, les droits attribués à des acteurs différents pour des activités distinctes peuvent se superposer et entrer en conflit18. La mise en place d’exploitations minières dans les zones forestières risque d’affecter gravement les droits et les conditions de vie des populations locales ; les mesures de protection prévues en faveur des populations riveraines ne sont effectives qu’à partir du début de la convention d’exploitation. Celle-ci est rédigée seulement après une première phase d’exploration qui n’est pas sans danger pour les populations locales. La réalisation de grandes infrastructures accompagne le développement de l’exploitation minière (ainsi que de l’agriculture à grande échelle): des projets d’ouverture des voies ferrées et de construction d’infrastructures énergétiques, qui ont un impact fort sur le couvert forestier19.

La construction de l’oléoduc Tchad-Cameroun

L’oléoduc Tchad-Cameroun transportera sur 1 050 km le pétrole extrait des gisements situés au sud du Tchad, pays enclavé, jusqu’au port de Kribi, dans le sud-ouest du Cameroun. Le projet, soutenu par la Banque Mondiale, est porté par un consortium composé par les deux entreprises nord-américaines, Exxon-Mobil et Chevron, et la société malaisienne Petronas. La construction de l’oléoduc est très controversée pour plusieurs raisons, d’ordre environnemental et socio-économique. Les travaux nécessaires à sa réalisation ont un impact fort en termes de déforestation et les risques de fuite font craindre des pollutions. Les populations, notamment autochtones, qui vivent dans la zone concernée par la construction de l’oléoduc ont vu leur droits gravement affectés, sans que des réelles contreparties aient été prévues, les indemnisations promises étant sous-évaluées 20.

Une répartition des richesses très inégale

Bien que les ressources naturelles dont dispose le pays soient considérables, le taux de pauvreté reste important au Cameroun, notamment dans les zones rurales où elle touche particulièrement les femmes et les enfants. La malnutrition, qui est liée au pouvoir d’achat et non à la disponibilité des aliments, y frappe près de 24% des enfants21. Avec un Indice de Développement Humain de 0,482, le Cameroun était en régression dans le classement du PNUD 201022.

Les causes de la pauvreté et les obstacles à un essor économique équitable d’un pays disposant de ressources naturelles abondantes ont sans doute beaucoup à voir avec les très fortes inégalités de nature économique, sociale, éducative et informationnelle qui traversent la société camerounaise ainsi qu’avec les déséquilibres de pouvoir entre le pays lui-même et ses interlocuteurs étrangers, États ou entreprises. À l’intérieur, des dispositifs efficaces pour corriger les rapports sociaux générateurs d’exclusion, dans lesquels s’insinue largement la corruption, font défaut. À l’extérieur, les faibles marges de manœuvre budgétaires laissées à l’État par ses « tutelles » internationales imposées n’aident sans doute pas à avancer, par exemple, dans le domaine de l’éducation ou encore celui de la justice23.

En absence de mécanismes correcteurs de ces inégalités, l’accaparement des ressources et des bénéfices qui y sont liés se poursuit aux dépens de la majorité des camerounais. Opéré auparavant par les puissances coloniales, il est aujourd’hui le fait d’entreprises étrangères, héritières de l’exploitation coloniale ou fleurons de puissances économiques qui ont émergé depuis (les Etats-Unis, la Chine…), et de leurs relais divers : filiales, « élites » et autres individus dotés des pouvoirs utiles aux premières.

Transport de grumes dans le département de Nanga Eboko.

Annexe: Le Cameroun en chiffres

Démographie (2010, selon la Division Population des N.U. - DESA)
Population19.599.000
Indice de fécondité4,67 enfants/femme
Taux de croissance démographique2,20%
Population de moins de 15 ans40,60%
Population qui vit en zone rurale (2010)42,00%
Densité de population41 habitants/ km²
Développement (données Nations Unies)
Indice de développement humain (classement des N. U., IHD, 2011)0,482 (150e position)
Population vivant avec moins de 1,25 US$ par jour (moyenne sur 2000-2009, Unicef)10,00%
Taux de mortalité enfants de moins de 5 ans (UNICEF 2010)136‰
Taux d’alphabétisation des + de 15 ans (IDH 2011)70,70%
Espérance de vie à la naissance (IDH 2011)51,6 ans
Économie (données Banque Mondiale)
Revenu National Brut / habitant (2010)(en parité de pouvoir d’achat)1180 US $ courant
(2270 US $)
Population sous le seuil de pauvreté (2007)39,90%
PIB agricole dans le PIB total (2007)(hors produits transformés)35,00%
(19%)
Exportations principales 2010
Produits pétroliers non raffinésUnion Européenne (UE)
CacaoUnion Européenne
Bois2/3 UE (bois légèrement transformé)
1/3 Chine (bois brut)

Note : 3 premières catégories de produits par ordre de valeur monétaire décroissant et plus important pays importateur pour chaque catégories de produits

Importations principales, 2010
Produits manufacturésFrance, Chine
Produits pétroliers raffinés (essence et gasoil)Nigéria
Produits alimentairesFrance, Thaïlande

Note : 3 premières catégories de produits par ordre de valeur décroissant et plus important pays fournisseur de chaque catégorie

Alimentation
Prévalence de la sous-alimentation en % de la population (2008) (Banque mondiale)22,00%$
Production de céréales ramenée à la population. (à partir de FAOstats et DESA)143 kg/hab.
Importations de céréales ramenées à la population (à partir de FAOstats et DESA)46 kg/hab

1 E., Ngnikam, E. Tolale, 2009

2 Le mot « pygmée », introduit au moment de la colonisation, est employé pour nommer l’ensemble des populations autochtones de chasseurs–cueilleurs. Il véhicule souvent des préjugés et a pour cette raison une connotation péjorative.

3 CED, RACOPY, FPP, 2010.

4 D’après un communiqué de l’Ambassade de France au Cameroun de février 2013.

5 Entre 1988 et 2000 sont mis en place trois grands programmes économiques et financiers d’ajustement structurel, appuyés par la Banque Mondiale et le FMI. Le premier, qui date de 1989, prévoit une réduction drastique des dépenses publiques, la libéralisation des marchés et la réforme des institutions.

6Notamment au sein de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) dont le Cameroun contribue pour moitié au PIB.

7Gouvernement du Cameroun, Appui à la mise en œuvre du NEPAD-PDDAA, 2004.

8Voir les résultats du Comice agropastoral « Ebolowa 2010, Zero produit alimentaire importé au Cameroun »

9Les prix d’achat garantis du cacao et du café et les subventions en engrais et pesticides assurées par l’État aux paysans sont désormais supprimés.

10Trois documents développent cette vision : Cameroun vision 2035 (MINEPRAT, 2009), le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi, DSCE (MINEPAT, 2008) et la Stratégie de développement du secteur rural (MINADER, 2006). G.P. Dkamela, Le contexte de la REDD+ au Cameroun. Causes, agents et institutions, CIFOR, 2009.

11de Wasseige et al. (2009).

12La part du bois illégal, loin d’être négligeable, échappe bien sûr à ces statistiques.

13Seulement 0,3% de cette force de travail est employée de façon formelle.

14Cerutti et Lescuyer 2011.

15Ibidem.

16Les permis d’exploration sont octroyés sur des aires de 1 000 ha maximum, pour 3 ans. Ils peuvent être renouvelés, pour des périodes de 2 ans, quatre fois.

17Les licences d’exploitation ont une durée de 25 ans, renouvelable pour 10 ans. Ces licences requièrent la réalisation d’une étude de faisabilité et une étude d’impact environnemental et socio-économique. Le concessionnaire peut construire des infrastructures et a des droits exclusifs sur la terre et les ressources en eau dans la zone d’exploitation.

18Le rapport « Tendances émergentes dans les conflits liés à l’utilisation des terres au Cameroun : Chevauchements des permis d’exploration des ressources naturelles et menaces sur les aires protégées et les investissements directs étrangers », présenté en avril 2012 à l’Assemblée Nationale par l’ONG CED, RELUFA et le WWF dénonce le fait qu’au moins 28 permis d’exploration pétrolière et minière ont été accordés à l’intérieur de quinze aires protégées.

19G. P. Dkamela, 2011.

20T. Deltombe, 2009

21FAO, Fiche documentaire: Cameroun - Les femmes, l’agriculture et le développement rural, 1995.

22Cela notamment à cause de la détérioration du système de santé, désormais largement privatisé, et de la diminution du taux de scolarisation. la mortalité infantile au-dessous des cinq ans s’élève à 136 ‰ (UNICAF, 2010), soit deux fois plus que celle du Botswana. Le paludisme reste la première cause de mortalité de la population.

23Les réformes réalisées à la fin des années 1980, sous la pression de la Banque Mondiale et du FMI, ont facilité l’installation d’investisseurs étrangers et l’obtention de permis d’exploitation. Elles ont allégé les obligations fiscales et réglementaires et mieux garanti leurs retours sur investissement.

Bibliography

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Ngnikam E., Tolale E.. 2009. Systèmes énergétiques : Vulnérabilité – Adaptation – Résilience (VAR). Cameroun, Helio International.

Wasseige, C. (de) et autres. 2009. Les forêts du Bassin du Congo. État des forêts 2008, Comifac.

Deltombe T.. 2009. Port, rail, plantations : le triste bilan de Bolloré au Cameroun, Le Monde Diplomatique.

CED, RACOPY, FPP. 2010. Les droits des peuples autochtones au Cameroun. Rapport supplémentaire soumis, suite au deuxième rapport périodique du Cameroun, au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale. Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) ; Réseau Recherche Actions Concertées Pygmées (RACOPY) ; Forest Peoples Programme (FPP).

Dkamela G. P.. 2011. Le contexte de la REDD+ au Cameroun, CIFOR.

Deltombe T.. 2011. Interminable fin de règne à Yaoundé, Le Monde Diplomatique, octobre.

Cerutti P.O. et Lescuyer G.. 2011. Le Marché Domestique du sciage artisanal au Cameroun, état des lieux, opportunités et défis, CIFOR.

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