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Natural Resource Governance around the World

English version: Land Policies and Agrarian Reform. Proposal Paper. Part I. The issues debated today. Introduction

Cahier de propositions POLITIQUES FONCIERES ET REFORMES AGRAIRES. Partie I. Les questions en débat aujourd’hui: Introduction

Documents of reference

Merlet, Michel. Cahier de propositions. Politiques foncières et réformes agraires. Octobre 2012. Réseaux APM,IRAM. 130 p.

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Plusieurs éléments nouveaux caractérisent le monde rural contemporain:

  • le caractère international des phénomènes et des enjeux,

  • la rapidité des évolutions,

La mondialisation des échanges entraîne une différenciation des agricultures qui s’opère désormais tout de suite à très grande échelle. Les évolutions sont souvent irréversibles. La mise en concurrence d’agricultures aux niveaux de productivité très différents implique la ruine de pans entiers des agricultures du monde et un accroissement des inégalités11.

On a assisté lors des dernières décennies à une profonde redistribution du foncier dans les pays de l’ex bloc socialiste avec la décollectivisation et la privatisation des fermes d’Etat ou coopératives, dont les modalités souvent bien peu transparentes et démocratiques posent question. Ce phénomène s’est aussi déroulé dans un laps de temps très court et à une grande échelle.

Que ce soit en Afrique, en Asie, en Europe de l’Est ou ailleurs, les sociétés n’ont plus le temps de s’adapter à ces changements et de construire des mécanismes de régulation adéquats. L’encadré # 2 propose une illustration de ce phénomène, aux conséquences souvent désastreuses, à partir d’un exemple asiatique.

Encadré # 2 Un exemple d’inadéquation de la coutume foncière à l’évolution du contexte économique dans la communauté indigène Ifugao (Luzon, Les Philippines)12

Les indigènes Ifugao sont connus pour leurs remarquables terrasses rizicoles qui sculptent sur plusieurs centaines de mètres de dénivelé les flancs des montagnes du Nord de l’île de Luzon. Ils ont développé un système agraire efficace basé exclusivement sur l’agriculture manuelle dans des conditions écologiques extrêmement difficiles.

Il existe traditionnellement chez les Ifugaos un système de métayage à moitié, appelé « kinapiá » qui permet des ajustements de l’accès au foncier. Afin d’éviter le parcellement des rizières, la coutume fixe que seuls les 2 fils (ou filles) aînés peuvent hériter des parcelles de leurs parents au moment de se marier, et doivent en échange assurer leur subsistance.

Mais aujourd’hui, les aînés sont les premiers à aller étudier et travailler hors de la communauté, et la plupart d’entre eux ne reviennent pas y travailler. Ils cèdent alors en métayage leurs terres à leurs cadets, et l’on trouve pour cette raison aujourd’hui un très fort pourcentage de métayers dans les villages ifugao (souvent de l’ordre de 50%).

Compte tenu de la faible productivité du travail qu’il est possible d’obtenir dans ce milieu très montagneux, le poids économique du métayage et les difficultés qui en découlent pour avoir accès à du crédit, par exemple, deviennent insupportables pour les producteurs.

Faute d’avoir pu s’adapter assez vite, les règles coutumières sont devenues totalement inadaptées. Les modalités que nous avons décrites précipitent la ruine des paysans et leur disparition.

On trouve des situations similaires sur les divers continents, et pas seulement dans les sociétés dites « indigènes », avec un déphasage des règles coutumières ou du droit et des formes d’organisation sociale par rapport aux nouvelles conditions économiques.

Il devient de plus en plus difficile pour les populations rurales de pouvoir résister aux conséquences de la mondialisation des échanges. Par ailleurs, les problèmes et les conflits autour des ressources foncières se multiplient et s’aggravent.

Deux alternatives jouent aujourd’hui un rôle central dans les débats:

  • l’opposition entre propriété privée et biens communs d’une part, et

  • l’opposition entre marché et gestion étatique d’autre part.

Il nous semble nécessaire de dépasser cette vision simplificatrice et dichotomique pour pouvoir progresser dans des propositions utiles. Pour avancer dans cette voie, nous examinerons trois questions centrales distinctes, bien que liées entre elles :

  • Comment sécuriser les droits des usagers ?

  • Comment garantir un accès aux ressources conforme à l’optimum économique et social pour les majorités ?

  • Comment reconnaître les diversités culturelles et historiques et gérer les territoires ?

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11 Voir Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, Histoire des agricultures du monde. Ed Le Seuil. 1997. Voir aussi les interventions de M.Mazoyer au Forum Social Mondial 2001, en séance plénière et en ateliers.

12 Voir Michel Merlet, Land tenure and production systems in the Cordillera. Rapport de mission pour la FAO et le Ministère de la Réforme Agraire des Philippines (DAR). Mars 1996.

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