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Fonds documentaire dynamique sur la
gouvernance des ressources naturelles de la planète

Sharing Power : la co-gestion comme outil polyvalent

Augmenter la sécurité foncière et gérer les conflits grâce aux accords de co-gestion

Documents sources

Borrini-Feyerabend Grazia, Pimbert Michel, Farvar M.Taghi, Kothari Ashish, Renard Yves et al, Sharing Power - Learning by Doing in Comanagement of Natural Resources throughout the World, IIED, IUCN, CMWG, CEESP, 2004

Dans une situation idéale, les accords de partage des terres et des ressources naturelles entre de multiples acteurs sociaux, sont le fruit de processus politiques visant à une meilleure justice sociale et une viabilité écologique. Les négociations aboutissant à de tels accords de co-gestion peuvent être le lieu pour s’attaquer à d’autres affaires connexes. Par exemple, les Indigènes et les institutions locales peuvent (re)gagner une certaine légitimité et influence en sécurisant des titres fonciers sur leur terre ancestrale, comme dans le cas du Parc National en Colombie, ci-dessous.

Sécurisation foncière et droits à travers un accord de co-gestion : le parc national d’Alto Fragua-Indiwasi (Colombie) (adapté de Oviedo, 2003 et Zuluagua et al., 2003)

Le parc national d’Alto Fragua-Indiwasi a été créé en février 2002, après des négociations impliquant le gouvernement Colombien, l’association du Conseil des Indigènes Ingano et l’Equipe de la Conservation Amazonienne, une ONG environnementale qui se concentre sur des projets pour aider les Ingano et autres peuples Indigènes du bassin Amazonien. Le parc est situé dans le Piémont de l’Amazonie Colombienne, aux sources du fleuve Fragua.

Les recherches menées par l’institut Colombien Von Humboldt ont déterminé que le site fait partie d’une région recelant la plus grande biodiversité du pays mais également un des meilleurs sites du monde. La protection de ce site assurera la conservation de divers écosystèmes tropicaux Andins, incluant les forêts tropicales sub-andines hautement menacées, des espèces endémiques telles que l’ours à lunettes (Tremarctos ornatus) et des sites sacrés d’une valeur culturelle unique.

Selon les termes du décret de la création du parc, les Ingano sont les acteurs clés en charge de la conception et de la gestion. Le site – dont le nom signifie « Maison du soleil » en langage Ingano - est un lieu sacré pour les communautés Indigènes. C’est l’une des raisons pour lesquelles les autorités traditionnelles ont insisté pour que la gestion du site leur soit confiée. Bien que plusieurs sites protégés en Colombie soient co-gérés par les Indigènes et les communautés locales, il s’agit du premier site où la population Indigène en est totalement responsable. Cela a été possible grâce à la législation Colombienne qui reconnait aux autorités traditionnelles une personnalité juridique et la capacité de développer leurs propres plans de développement, y compris des dispositions de gestion environnementale.

La création du parc a été un long rêve pour les communautés Ingano du piémont Amazonien, pour qui cela correspond naturellement à leur Plan de Vie ( Plan de Vida), c’est-à-dire une vision large et à long terme de l’ensemble de leur territoire et de la région. La création du parc national d’Alto Fragua-Indiwasi, où les Ingano sont les principaux acteurs de la conception et de la gestion du site, représente un précédent historique important pour toutes les populations Indigènes de Colombie et ailleurs, et un exemple à suivre.

Les négociations précédant la co-gestion peuvent également être l’occasion d’exposer certaines tensions entre ceux qui sont impliqués dans la gestion des ressources naturelles. Dans l’histoire relativement récente de plusieurs pays, l’accès et le pouvoir de décision sur les terres et les ressources naturelles ont exclu beaucoup d’acteurs sociaux. Les personnes exclues peuvent penser qu’elles ont été privées de leur droit et injustement traitées. Elles ont peut être également tenté, ouvertement ou secrètement, d’obtenir unaccès aux ressources naturelles et à leurs profits, sans se soucier de la loi. Cette situation peut mener à de sérieux conflits. Les approches participatives, collaboratives employées pour les préparations à la co-gestion peuvent créer des espaces sûrs où leurs doléances pourraient être exprimées et où des solutions pacifiques pourraient être trouvées. L’exemple Sud-Africain, ci-dessous, démontre comment la co-gestion peut être un outil de gestion des conflits.

Equilibre des pouvoirs au Makuleke (Afrique du Sud) : un cadre de co-gestion résout les conflits sur l’usage et la propriété foncière (adapté de Steenkamp, 2002)

En 1969, la communauté Makuleke de la province du Limpopo a été déplacée de force d’une région de l’extrême nord-est de l’Afrique du Sud. Leur territoire a été intégré dans le Parc National Kruger (KNP) et la communauté relogée à environ soixante dix kilomètres, vers le Sud. Près de trente ans plus tard, la propriété du territoire leur a été rendue suite à un accord de co-gestion avec les Parcs Nationaux d’Afrique du Sud (PNAS). Cet arrangement fut négocié sous les auspices d’un programme de réforme agraire lancé par le gouvernement post-apartheid d’Afrique du Sud.

La propriété foncière a donné au Makuleke un pouvoir de négociation substantiel, et l’arrangement changea fondamentalement l’équilibre des pouvoirs entre les deux parties. L’accord a permis aux Makuleke de se consacrer pleinement à leurs terres à la différence du PNAS et de l’état. Cela a aussi permis de mettre en place un cadre sécurisé de conservation, à long terme, de la biodiversité exceptionnelle de la région de Makuleke.

L’absence de conflit sur les questions de gestion est souvent révélatrice de la prévalence d’une relation oppressive. Dans cet exemple, les conflits ouverts qui ont émergé suite à la réhabilitation des droits après la chute du régime de l’Apartheid, ont été réglés, avec succès dans le cadre du processus de co-gestion. La mise en œuvre de l’accord n’a pas immédiatement résolu les controverses mais toutes les tensions ont finalement été conclues dans le cadre de l’accord. Avec ce socle sécurisé, l’aboutissement du « modèle Makuleke » dépendra de la capacité décisionnelle des Makuleké à assurer une distribution rationnelle et équitable des bénéfices de la conservation à l’ensemble de leur communauté.

Traduction

Mathilde Boidin