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Fondo Documental Dinámico
sobre la gobernanza de los recursos naturales en el mundo

Sharing Power : Les défis pour la mise en place d’un système de cogestion

Les luttes de pouvoir pour la gestion des barrières de corail de la côte Miskito au Nicaragua

Fuentes documentales

Borrini-Feyerabend Grazia, Pimbert Michel, Farvar M.Taghi, Kothari Ashish, Renard Yves et al, Sharing Power - Learning by Doing in Co-management of Natural Resources throughout the World, IIED, IUCN, CMWG, CEESP, 2004

Partager les droits et les responsabilités en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles dans un partenariat de cogestion peut se révéler être une approche encourageante pour une bonne gouvernance et une gestion durable des ressources. Cependant, la cogestion n’est pas toujours la solution pour une gestion adéquate des ressources naturelles. L’établissement et le maintien du partenariat exige un haut degré de transparence et une communication optimale entre chacune des parties engagées. En l’absence de ces conditions déterminantes, la méfiance s’installe entre les différents acteurs sociaux , les conflits débutent et les négociations stagnent. Le cas de la gestion de la côte nicaraguayenne de Miskito est un bon exemple d’échec en matière d’accord, et de conflits constants. « La cogestion n’est pas évidente et nécessite toute une série de conditions pour être menée à bien ».

Récifs contestés de la côte nicaraguayenne de Miskito : pas de cogestion en vue! (adapté de Nietschmann, 1997)

Le peuple Miskito, établi sur la côte nord-est du Nicaragua, est le propriétaire originel de l’une des étendues les plus grandes et les plus sauvages de la barrière de corail à proximité de la côte caraïbe. Le plateau de Miskito contient une vaste étendue de zones de corail et de récifs, de larges couches d’algues et plusieurs lagunes côtières et autres zones humides, habitat d’espèces rares telles que le lamantin et le petit dauphin du rivage. Depuis longtemps, le contrôle des récifs et du littoral de Miskito est une question épineuse. Le conflit a notamment opposé des autorités étrangères et le secteur de la pêche commerciale (on peut compter onze guerres contre les envahisseurs depuis le début des années 1970). Plus récemment, on a vu également apparaître sur la scène le gouvernement sandiniste (au moment de l’insurrection menée par les Contras -la Résistance nationale- ), les pirates et les trafiquants de drogue, et les conservateurs soutenus par les Etats-Unis qui tentent d’établir une réserve de biosphére dans la région. Quels que soient les moyens à leur disposition, les Miskitos ont toujours refusé d’appliquer les schémas de gestion des ressources proposés par des acteurs externes à leur communauté. Ce qu’ils souhaitent, c’est mettre en place leur propre système de gestion pour leur barrière de corail, basé sur les droits et responsabilités coutumiers, en incluant une régulation des prises, du nombre de pêcheurs autorisés ainsi que de l’accès aux zones de pêche. Ils ont également besoin d’une aide concrète pour protéger leurs ressources maritimes de l’exploitation étrangère à grande échelle.

En 1991, vingt-trois communautés côtières Miskito, le ministère nicaraguayen des ressources naturelles et une ONG internationale de conservation ont convenu de mettre en place la plus grande zone protégée de la région côtière d’Amérique Latine, le récif corallien de Miskito inclus. L’accord prévoyait plusieurs conditions : la reconnaissance la propriété des terres, des lagunes et territoires maritimes ancestraux des Miskito par le Nicaragua et le soutien du pays à la lutte contre le pillage des ressources, la pêche industrielle et le trafic de drogue. Les communautés indigènes, quant à elles, devaient gérer la protection de la zone avec l’appui d’une assistance technique extérieure, et devaient recevoir une aide financière pour assurer l’exécution d’un nombre important de projets de conservation et de développement.

Au sein de l’administration gouvernementale du Nicaragua, on trouve des personnes intéressées par le financement et l’emploi des revenus du tourisme (et donc en faveur de la protection des ressources), mais aussi d’autres habituées à percevoir une part des bénéfices issus de la vente des permis de pêche ainsi que des pots-de-vin de la part des pirates et les trafiquants de drogue. Suite aux luttes internes pour le pouvoir, le gouvernement s’est rapidement retiré de l’accord initial et a tenté d’ouvrir un grand couloir à la pêche commerciale, scindant en deux parties la région dont il était question à l’origine. Il a aussi déclaré territoire protégé une région à l’intérieur des terres qui comprend cinq communautés dont il n’avait pas encore été question dans l’accord. Comme cela n’est pas inhabituel dans les pays du sud, les ministères du gouvernement nicaraguayen souffrent d’un manque de moyens financiers et techniques, et de chevauchements ou conflits de compétences au sein des autorités locales (différents ministères et départements responsables de la conservation, de la pêche commerciale, des permis de pêche, de l’application de la loi et de la gestion régionale). De plus, ces autorités ont pour habitude d’agir uniquement sur le court-terme et de montrer une volonté nette de contrôler les ressources naturelles depuis des bureaux lointains. Il n’est donc pas étonnant que les intérêts des Miskitos se sont retrouvés en contradiction avec ceux du gouvernement.

En 1992, une ONG Miskito locale fut créée afin de protéger les intérêts locaux soumis à la gestion. Le nom de cette organisation est Mikupia, ce qui signifie « Le cœur de Miskito ». Malgré ses faibles moyens, Mikupia est parvenue à encourager les discussions environnementales et l’organisation en plusieurs communautés. Mais de nouveaux acteurs puissants sont rapidement entrés en scène. Aussitôt que la région protégée provisoire fut mise en place, de nombreuses ONG du nord spécialisées dans la conservation et le développement ont reçu des sommes importantes pour contribuer à la gestion et poursuivre leurs propres objectifs, tels que la conservation de la biodiversité locale, mais aussi une conservation plus prosaïque, celle de leurs propres organisations et emplois. Environ 10% des ressources financières en provenance des donateurs furent accordées aux communautés des Miskitos et à Mikupia. Le reste, soit 90% des dons - supposés contribuer au développement des communautés - furent déboursés pour les organisations non gouvernementales situées aux Etats-Unis (et cela, avec le consentement mutuel des donateurs américains et de quelques-uns des départements du gouvernement nicaraguayen). Un nouveau projet de gestion de la réserve de biosphére fut rapidement élaboré, sans aucune référence aux conditions convenues dans le projet initial, en particulier les mesures adoptées pour lutter contre le pillage, la pêche industrielle et le trafic de drogue, et les programmes de conservation et de développement supposés être exécutés par les communautés locales. En revanche, les fonds retenus pour ces projets furent dépensés pour soutenir les actions de l’ONG du nord qui se considérait comme l’organe décisionnel au nom des communautés et qui a développé le plan de gestion sur la base de ses propres analyses et observations.

Les Miskitos ont fini par apprendre la vérité et se sont rendus compte que les ONG étrangères étaient plus enclines à les tenir responsables de la réduction des ressources qu’à les soutenir dans l’obtention des droits relatifs aux ressources. Ils ont alors banni l’ONG de leur terre et l’ont dénoncée aux donateurs américains. Une enquête fut menée par ces derniers mais ils n’ont identifié aucune malfaçon dans le travail de l‘ONG. Cela a également eu pour conséquence une exclusion des donateurs américains de la région par les Miskitos.

Malgré toutes ces fortes tensions, les donateurs américains ont décidé d’investir dans le projet contesté et ont confié la responsabilité de la gestion à d’autres ONG internationales, une fois encore, sans consultation ou accord avec le peuple Miskito ou leur ONG locale. De leur côté, les communautés du récif de Miskito ont créé leur propre Territoire Communautaire Protégé, et sont à présent occupés à lutter contre le trafic de drogue et le pillage des ressources dans leur région, et à cartographier leurs récifs et ressources marines. Les « conservateurs colonialistes » sont encore bannis de leurs territoires et aucun accord de cogestion n’est prévu.

Traduction de l’anglais

Angelika Zapszalka