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Fonds documentaire dynamique sur la
gouvernance des ressources naturelles de la planète

BRESIL- Les mécanismes d’appropriation des terres publiques autour de Santarem, Etat du Para.

Les conséquences de la construction d’un terminal portuaire par CARGILL

Rédigé par : Ludmila Caminha Barros

Date de rédaction :

Organismes : Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)

Type de document : Étude / travail de recherche

Documents sources

Ludmila Caminha Barros. O processo de apropriação privada de terras públicas em Santarém, Estado do Para. Brazil. AGTER. 2010.

Résumé

L’étude réalisée par Ludmila Caminha en Amazonie brésilienne illustre un type particulier d’appropriation de terres à grande échelle et d’accaparement de ressources, celui de la privatisation des terres publiques ou communes. Ce travail apporte des éléments essentiels pour mieux comprendre l’évolution des régimes fonciers dans ce gigantesque processus d’enclosures et de destruction de la forêt, ainsi que le jeu des différents acteurs, privés et publics.

L’investissement de la compagnie transnationale Cargill dans la réalisation d’infrastructures de transport dans la région de Santarém (État du Para) a suscité de nombreux débats et controverses. Ce n’est pas tant l’emprise foncière directe du port qui est en jeu, mais l’impact que celui-ci a sur les processus d’expansion de la culture du soja, et ses conséquences sur les dynamiques foncières de la région.

L’étude a été réalisée par Ludmila Caminha Barros, à la demande d’AGTER. Elle aborde une question importante, celle de la privatisation des terres communes, ou publiques, de l’Amazonie et éclaire la façon dont se mettent en place dans cette région des processus d’appropriation à grande échelle de terres, jusqu’à présent occupées par de petits agriculteurs.

L’auteur montre comment l’occupation des terres amazoniennes, impulsée principalement par les intérêts de certains groupes économiques, répond à la volonté de l’État de contrôler ces vastes territoires. Plusieurs politiques répondent à cette exigence : des politiques de colonisation en faveur des paysans sans terre, et des politiques d’incitation fiscale et de soutien économique à l’élevage et à l’agroindustrie.

Les terres du Brésil ont été considérées à partir de la conquête portugaise comme domaine de la Couronne et ensuite domaine des États nationaux, à l’exception de certaines zones maintenues sous la compétence de l’État fédéral.

Ces terres, qui ont longtemps été vues à tort comme vides, sont habitées par des populations indigènes, et des populations métissées avec les colons et les descendants d’esclaves africains. Il s’agit de groupes de paysans traditionnels appelés caboclos, organisés sur la base d’une possession collective de la terre et des ressources forestières. Ces populations sont les premières victimes des processus de colonisation de l’Amazonie brésilienne, les politiques d’occupation, à travers la concession ou la dotation de terres, ayant comme conséquence la déstructuration des modes d’accès à la terre préexistants.

L’occupation de l’Amazonie débute à la fin du XIX siècle avec l’exploitation du caoutchouc, et ensuite, dès 1920, de la noix du Brésil. Les premières attributions de droits fonciers se réalisent à travers la vente ou la concession de droits d’exploitation perpétuels. Les projets systématiques de colonisation des terres forestières de l’Amazonie se structurent seulement à partir des années ‘50 et durant toute la période de la dictature militaire; le Plan d’Intégration Nationale de 1970 impulse l’installation de paysans sans terres en provenance d’autres régions brésiliennes, à travers la création d’espaces agricoles le long de nouveaux axes de transport routier qui traversent le territoire amazonien. Parallèlement, les politiques de l’État brésilien encouragent massivement l’utilisation des terres de l’Amazonie pour l’expansion de l’extraction minière, de l’exploitation du bois et de l’élevage extensif. Les rentes foncières, minières, forestières s’accumulent dans les mains de conglomérats économiques nationaux ou étrangers.

La concentration des terres forestières et la surexploitation des ressources naturelles ont des conséquences dévastatrices du point de vue environnemental comme du point de vue social; l’expansion des cultures industrielles, notamment le soja, se produit à partir de l’achat des terres occupées par l’agriculture familiale, avec l’expulsion des populations traditionnelles et des paysans arrivés lors des programmes de colonisation.

Ensuite l’occupation a lieu sur les terres « communes », avec l’appropriation d’immenses territoires, situés initialement dans des zones plus arides ou de forêts en transition, puis dans des habitats forestiers. Il s’agit souvent des pratiques illégales d’appropriation privée des terres, déjà développées à partir du XIX siècle, appelées grilagem et basées sur la falsification de documents fonciers, souvent en connivence avec les pouvoirs publics. Le soutien actuel de l’État envers ce processus d’appropriation des terres communes va encore plus loin, avec l’implantation de toute l’infrastructure physique nécessaire à la circulation des biens et des capitaux.

La substitution de l’agriculture familiale par l’agriculture entrepreneuriale menace la sécurité alimentaire des populations. Les ventes de terres de l’agriculture paysanne se multiplient, encouragée par la hausse extraordinaire des prix des terres agricoles. L’expansion de la production du soja en Amazonie est le fait de firmes brésiliennes et internationales qui en plus de l’appropriation directe des grandes extensions destinées à la culture des oléagineux, exercent indirectement du pouvoir sur des territoires grâce au contrôle de toute l’infrastructure nécessaire a la production, aux semences et aux engrais ainsi que la construction des entrepôts et des ports. L’accaparement des moyens de transport, la contamination par les produits phytosanitaires utilisés dans les cultures industrielles ont aussi de graves conséquences pour les petits producteurs.

Santarem bénéficie d’une localisation d’importance cruciale pour l’écoulement de la production régionale, par voie terrestre et fluviale. L’entreprise agroindustrielle Cargill a décidé de construire dans le port de Santarem son terminal, au mépris du processus judiciaire intenté par le Ministère Publique Fédéral au nom du respect de la législation environnementale et des droits des communautés locales. La longue discussion judiciaire autour de la réalisation de l’étude d’impact environnemental du terminal n’a pas empêché l’entreprise de rendre le terminal du port opérationnel.

Les actions pour défendre l’agriculture familiale et les droits des populations locales face à l’expansion de la production de soja sont portées par les organisations sociales représentatives des travailleurs qui basent leur économie sur l’extraction des produits de la forêt. Le document décrit les procédures judiciaires et publiques, qui ont été mises en place pour que les populations voient leurs droits reconnus face à Cargill.

Les avancées positives restent très rares, comme le moratoire obtenu par Greenpeace contre le soja produit en Amazonie ou l’obtention de la préparation d’un plan de développement durable pour la zone concernée par le goudronnage d’un des principaux axes routiers.

Une ouverture est offerte aussi par les politiques foncières actuellement promues par l’État brésilien, orientées en faveur de nouvelles formes de gouvernance des ressources, fondées sur la reconnaissance des droits d’accès aux produits forestiers, qui permettent enfin la reconnaissance des structures foncières des populations traditionnelles.

La lutte des organisations sociales reste cependant très difficile, face à une alliance qui s’est construite depuis des décennies entre les grands producteurs agricoles et les pouvoirs publics, en faveur d’un modèle de développement qui présente l’agro-industrie comme le promoteur du développement économique et s’attaque à toute initiative législative qui puisse en compromettre les intérêts économiques.

L’étude est disponible en portugais et en français.

Marta Fraticelli (AGTER)

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