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FRANCE. Les associations foncières pastorales (AFP). Un exemple dans le département du Lot.

Résumé

L’évolution de la propriété foncière au cours des générations peut faire obstacle à la mise en valeur et à l’entretien des territoires. C’est souvent le cas dans les zones de montagne lorsque coexistent une propriété privée du sol qui se divise à chaque héritage et un important exode rural. L’utilisation de surfaces importantes pour l’élevage peut alors se trouver bloquée, et le manque d’entretien des parcelles par leurs propriétaires peut parfois entraîner des dangers pour la population.

Les Associations Foncières Pastorales, en regroupant des propriétaires fonciers, ont pour vocation de résoudre ces problèmes. Cette fiche en présente les diverses formes, qui vont de l’association volontaire à un regroupement forcé. Elle en offre une illustration avec une AFP du département du Lot.

Qu’est-ce qu’une association foncière pastorale ?

Une Association Foncière Pastorale (AFP) peut être exclusivement constituée par des propriétaires de terres à destination agricole ou pastorale et/ou de terrains boisés situés en zone de montagne, d’économie pastorale ou extensive. Ses objectifs sont de favoriser le regroupement, l’aménagement, l’entretien de ces terres et de contribuer au maintien et au développement de la vie rurale.

Les AFP obéissent aux règles générales des associations syndicales dans la mesure où elles en sont une déclinaison particulière. Les associations syndicales regroupent des propriétaires avec pour objet de réaliser des travaux d’intérêt général. Dans le cas des AFP, les travaux d’intérêt général sont circonscrits à des terres particulières, à vocation pastorale.

Il existe trois catégories d’AFP :

  • L’association foncière libre

La première est constituée par la volonté et le consentement de tous les associés, sans intervention de l’administration même si une collectivité locale propriétaire de terrains pastoraux peut y prendre part. Les fonds sont gérés de manière privée et les associés attendent des retombées économiques positives dans un intérêt collectif et privé.

  • L’association foncière autorisée

C’est un groupement de propriétaires constitué sous le contrôle de l’administration disposant de la capacité à exécuter certains travaux d’intérêt général. À la demande d’une collectivité, les services départementaux étudient la faisabilité d’un tel projet en réalisant une enquête, notamment auprès des divers usagers de la zone et des propriétaires. Si, au terme de l’enquête, l’opportunité et la possibilité de la constituer sont démontrées, alors le préfet en autorise la création. Cette association est un établissement public qui doit dans ce cadre servir l’intérêt général et répondre à l’utilité publique.

  • L’association foncière forcée

Elle est constituée d’office par le préfet et a la qualité d’établissement public. Cela est possible lorsque l’état d’abandon des terres ou leur défaut d’entretien peut constituer un danger pour celle-ci ou pour les terres voisines et que les deux autres types d’association n’ont pu voir le jour.

Le fonctionnement des Associations Foncières Pastorales

Elles ont pour objet l’accomplissement de travaux immobiliers d’intérêt collectif pour l’aménagement du territoire, l’entretien et la gestion des ouvrages collectifs, les travaux nécessaires à l’amélioration ou à la protection des sols, la mise en valeur et la gestion des fonds à destination pastorale ou agricole ainsi que des terrains boisés ou à boiser et éventuellement le maintien de la vie rurale. Les terres réunies dans l’AFP peuvent être mises à disposition de groupements pastoraux ou à d’autres personnes physiques et morales par le biais d’une convention pluriannuelle de pâturage par exemple. Les choix en terme d’objet, d’utilisation des terres, de durée de l’AFP ainsi que la répartition du droit de vote aux assemblées générales sont indiqués dans les statuts de l’association.

Un exemple dans le département du Lot : une AFP pour gérer le programme « espaces embroussaillés » du Conseil Général.

Comme dans la majorité des départements français, le Lot (46) constate que par rapport aux agriculteurs cessant leur activité, seuls un peu moins des deux tiers sont remplacés. Cela conduit inexorablement à une baisse de leur poids dans la population totale et de leur nombre. Le problème qui se pose alors est la pérennité de l’exploitation du territoire. Or on constate que les espaces naturels du département, qui représentent 70% du territoire, le Lot étant un département très faiblement urbanisé sont de moins en moins entretenus. La forêt et les broussailles ont beaucoup progressé à cause de l’abandon de certaines terres par les propriétaires. Alors que l’espace naturel a une importance majeure pour l’identité de ce territoire rural très touristique, cette fermeture du milieu rend ses surfaces plus vulnérables aux risques d’incendie et à la perte de biodiversité.

C’est pour cette raison que le Conseil général, en partenariat avec la région Midi-Pyrénées et l’Union Européenne a lancé le programme « espaces embroussaillés » avec la volonté de prévenir les risques d’incendies et de maintenir la biodiversité et la mosaïque paysagère. Les moyens utilisés seront l’accompagnement concerté avec les élus, les éleveurs, les propriétaires et les autres usagers de l’espace en alliant la valorisation d’une ressource pastorale et la maîtrise de l’embroussaillement afin de réhabiliter 4000 ha en cinq ans. La zone prioritaire d’intervention a été définie au terme d’études déterminant des zones où les risques d’incendies et d’atteinte à la biodiversité sont tous les deux présents. Ensuite, des sites de 50 ha au minimum (pour permettre un entretien par pâturage économiquement viable) et portés par une mobilisation locale déjà émergente seront sélectionnés. L’outil utilisé afin de gérer ce programme est l’AFP libre. Son objet principal est de contribuer à la prévention des risques d’incendie par le maintien d’une activité pastorale favorisant l’entretien des milieux naturels embroussaillés. Elle est créée pour une durée minimale de dix ans, va permettre de mobiliser des financements pour l’aménagement et l’acquisition d’équipements pastoraux, tout en confiant la gestion pastorale à un ou plusieurs éleveurs par convention pluriannuelle de pâturage (CPP) pour une durée de cinq ans.

C’est l’ADASEA du Lot qui est chargée de l’animation du programme. Dans ce cadre, son animateur doit d’une part retrouver et convaincre les propriétaires de s’investir dans l’AFP et d’autre part trouver des éleveurs souhaitant bénéficier de la CPP.

Les avantages sont réels pour les propriétaires s’ils participent à l’AFP. Ils restent propriétaires de leurs parcelles, peuvent vendre n’importe quand et se retirer de l’AFP selon certaines conditions (5ans ici soit la durée d’une CPP). Les parcelles sont mises en location par l’AFP, elles sont réhabilitées puis entretenues. Le droit de chasse n’est pas modifié, de même que le droit d’exploiter soi-même les ressources de la parcelles si le propriétaire le désire (bois, champignons, …). De plus, en terme financier, les travaux de réaménagement de l’espace sont totalement pris en charge par les subventions du Conseil régional et général ainsi que par les éleveurs à qui va être confiée la gestion des terres pastorales. Les propriétaires via l’AFP et son assemblée générale se voient confier la maîtrise d’ouvrage des travaux, en accord avec tous les usagers des parcelles (chasseurs, randonneurs, quad, motos, cyclistes…).

La CPP offre une alternative assez intéressante pour les propriétaires. Ceux-ci sont en effet souvent réticents à mettre leurs terres en fermage avec le bail rural classique car, dans la mesure où il offre une grande sécurité pour le fermier, il est aussi jugé très contraignant pour les propriétaires qui ont l’impression de ne plus être maître chez eux. À l’inverse, la CPP offre une durée plus réduite de bail, non automatiquement renouvelable, ce qui rassure énormément les propriétaires. Pour les fermiers, il s’agit plus de baux à durée déterminée, au terme desquels ils ne sont pas certains d’être reconduits.

L’intérêt que présentent la CPP est la mise à disposition de terres nouvelles, qui ne l’auraient pas été autrement. C’est très positif actuellement, car les terres disponibles pour les agriculteurs sont rares. Pour les collectivités qui financent le projet, l’AFP est également intéressante en ce qu’elle permet de limiter les dangers d’incendie et de perte de biodiversité à moindre coût et de façon durable. D’autre part avec ce type d’opération, une dynamique de territoire se crée, obligeant les acteurs du territoire à parler, à échanger ensemble sur ce qu’ils souhaitent pour leur commune. Enfin, l’entretien des paysages a toujours des effets positifs sur le tourisme dans la région.

Les avantages de l’AFP

L’AFP est un outil intéressant pour gérer le foncier dans la mesure où elle constitue une enceinte de débat entre toutes les personnes concernées sur la vision à long terme d’un territoire, en essayant de coordonner les différents usages. Elle peut donc constituer une piste pour une gestion collective de la terre et de ses usages sans pour autant supprimer la propriété privée.

C’est un outil particulièrement adapté dans des situations de fragmentation très poussée du foncier car il permet de réunir ces petites parcelles dans un espace plus grand, géré collectivement sans empêcher des opérations d’achat-vente de se réaliser pour autant. La réunion de parcelles peut ainsi se faire progressivement, sans brusquer les propriétaires, ni bloquer la situation présente.

Gwenaëlle Mertz, étudiante de l’IEDES (Paris 1 - La Sorbonne) a rédigé cette fiche au cours du stage de Master 2 qu’elle a fait auprès d’AGTER pendant l’été 2010.

Cette fiche fait partie d’un dossier thématique élaboré par AGTER qui présente les mesures les plus significatives et les instruments originaux conçus dans le cadre de la politique foncière rurale appliquée en France après 1945, ainsi que ses acteurs les plus emblématiques.

Ce dossier est le fruit du travail bénévole de membres d’AGTER ou de personnes proches de l’Association, qui bénéficie de l’appui de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH).

Sommaire du dossier